Le joli cahier de… Camille

30 Sep 2017 | le joli cahier de...

Il n’y a pas d’âge pour vivre la feel good paper théorie. C’est ce que j’ai appris avec Camille, parisienne de 17 ans qui m’a contactée via Facebook pour me parler de son cahier. À la veille de la rentrée, j’ai passé un bon moment avec cette jeune fille au caractère bien trempé, passionnée de surf, biberonnée au hard rock par son papa, « fofolle » à ses heures – selon ses propres mots – mais aussi pleine d’assurance quand elle m’annonce d’un ton ferme que plus tard elle veut être « avocate internationale dans le droit maritime ». Extravagante, je ne sais pas, mais attachante sans aucun doute, quand elle s’est livrée de façon assez intime sur ce qui l’a conduite à écrire.

 

Dès le début de notre conversation, Camille se lance avec la franchise qui semble la caractériser.

« Quand j’étais plus jeune, vers 12-13 ans, la relation avec mes parents était très différente de celle que j’ai aujourd’hui avec eux. Ce n’était pas facile. À l’école non plus. À cette époque, je ne me sentais pas à ma place, j’avais beaucoup de mal à prendre du recul sur certaines choses. Pire que tout, je n’arrivais pas à dialoguer, ni à dire ce que je ressentais. Un jour, à l’occasion d’une séance de shopping avec ma maman, j’ai craqué pour un très joli cahier. Je n’avais pas l’intention d’écrire à ce moment, je l’avais juste trouvé beau. Elle me l’a offert. Quelques temps après, je me suis dit que quitte à posséder ce cahier, autant m’en servir. C’est comme ça que j’ai commencé à écrire. Depuis, je n’ai plus arrêté, c’est un besoin quotidien. Ecrire a tout de suite été fluide. C’est vrai que j’adorais déjà faire des rédactions, mais là ce n’est quand même pas pareil, c’est plus intime. »

 

Je la questionne : qu’as-tu commencé à écrire dans ton cahier Camille ?

« Bien sûr, j’écris des mots, mais sur certaines pages il y a aussi des dessins. Ce qui est fou, c’est que dès que je pratiquais, je me sentais mieux. Cela me permettait vraiment de lâcher mes émotions, j’étais vraiment soulagée. J’étais moins nerveuse. J’ai fini mon premier cahier. Mon frère avait alors une baby-sitter qui pour m’encourager à poursuivre sur cette voie m’en a offert un nouveau.»

Les semaines passent, Camille a mis en place naturellement une routine d’écriture qui, de son propre aveu, la fait vraiment se sentir mieux, améliore ses relations… et puis arrive la catastrophe que redoutent tous les accros : Camille perd son cahier !

« Cela m’a terriblement angoissée. J’ai eu le sentiment de perdre une partie de moi. J’étais complètement bloquée, pendant deux ou trois mois je n’ai rien pu écrire. Je n’arrivais pas à m’y remettre. Si je le perdais à nouveau cela serait vraiment un drame pour moi, car j’ai des choses uniques dedans, irremplaçables.»

 

Comme souvent, le temps à fait son oeuvre. Camille a repris goût à l’écriture et pratique toujours.

« Au départ, mon cahier était vraiment une forme de journal intime. Aujourd’hui, c’est mon cahier à tout ! Bien sûr, je lui confie toujours mes pensées et mes émotions. Il m’aide vraiment à libérer ce que j’ai à l’intérieur, à me défouler. Mais j’y inscrit aussi des choses du quotidien, des poèmes, des phrases, des citations. Au fil du temps, il est aussi devenu un loisir : je m’en sert également pour garder des souvenirs de lieux ou de choses que j’ai faites à l’aide de collages de plans, billets, photos… j’y garde même de très vieux timbres. »

 

Le cahier de Camille : un bien très précieux…

 

 

 

Je sens bien que le cahier de Camille est un bien très précieux. Si précieux, qu’elle l’emmène partout avec elle. « Jamais je ne le laisse quand je pars en vacances ou en voyage. Au quotidien, ça dépend, mais je l’ai quand même souvent : je ne sais pas pourquoi je le mets dans mon sac, c’est une sorte d’instinct et surtout quand je le sais avec moi, je me sens invincible. Ce cahier joue véritablement un rôle sur mon humeur et mon état d’esprit. J’écris à tous moments de la journée, je n’ai pas d’heures précises, c’est quand j’ai besoin. En revanche, c’est toujours en musique, un casque sur les oreilles, je suis dans ma bulle. La playlist dépend de l’humeur du moment ! »

Je me délecte des paroles de Camille qui, une fois de plus, confirme tout ce qui fonde mon envie de créer “Les Jolis Cahiers” et notamment le partage des vertus de l’écriture et du rapport au papier. Nous poursuivons la conversation.

 

Tu pratiques d’autres formes d’écriture ?

« Il m’arrive d’écrire des poèmes, mais j’en trouve les règles trop contraignantes. Dans un autre style, j’écris de la musique, des partitions pour clarinette, que je pratique depuis plusieurs années. Et puis, je sais que c’est un peu foufou, mais parfois j’écris aussi sur mon corps…»

 

Et tes cahiers, comment sont-ils ?

« Avant, je préférais les cahiers lignés, maintenant je les choisis à carreaux. J’ai l’impression que cela m’aide à cadrer mes pensées, à mieux les ordonner. Celui du moment a une couverture un peu moche car j’utilise un cahier que mon cousin m’avait offert sous forme de boutade afin que je m’entraine pour mon BAC français. Sinon, depuis la 6ème, je customise beaucoup mes cahiers y compris ceux de cours. J’arrache la première couche de la couverture et je refais le décor à ma sauce. Avec ça, j’ai fait sourire certains professeurs, d’autres beaucoup moins, cela les faisaient plutôt bondir ! » En effet, mettre des coeurs et des paillettes sur un cahier de maths, quel sacrilège…

 

Génération Baudelaire…

Comme je crois de plus en plus que dans la vie il y a peu de hasard mais beaucoup de signes (poke Audrey M si tu passes par là…), j’interroge Camille sur la place des cahiers et de l’écrit dans sa famille.

« Oui, ma mère a des cahiers, mon père aussi, alors qu’il travaille pourtant dans une grande société informatique. Il achète d’ailleurs toujours le même. Mais surtout, c’est ma grand-mère qui écrivait beaucoup. Elle a commencé très jeune et puis elle a beaucoup vécu en expatriation, à l’étranger : elle tenait alors des cahiers de voyages, elle y racontait sa vie. Pour nous permettre d’en garder la trace, elle a tout fait graver sur des CD. »

J’adore cette anecdote familiale, et j’avoue que j’aimerais bien me glisser dans les cahiers de la grand-mère de Camille ! Et peut-être faut-il chercher dans l’influence involontaire de cette aïeule les racines de la pratique de Camille… Nous parlons alors du cahier dans lequel elle-même aimerait plonger. Sa réponse ne tarde pas.

« Sans aucun doute, dans celui de Charles Baudelaire. Les Fleurs du Mal est mon recueil préféré. Lui aussi, je l’ai toujours avec moi. J’aimerais bien savoir dans quel état d’esprit il a écrit ses poèmes et surtout de voir comment il écrivait quand il savait qu’il ne serait pas lu. Est-ce que son style, ses sujets étaient les mêmes. Son mal-être était-il un sujet central… »

Après cette réponse romantique à souhait à laquelle seule cette période de la vie aux confins de l’adolescence et de l’âge adulte peut donner vie, Camille me partage sa phrase préférée.

 

Il y a de la folie autour d’elle.

« Elle est tirée d’un poème de John Keats. Je crois qu’elle me va assez bien, on me l’a déjà dit en tout cas ! »

 

 

Merci mille fois de ta confiance Camille et d’avoir partagé avec les Jolis Cahiers ce pan intime de ta vie. Et puis merci aussi de me redonner de l’espoir : quand on a 17 ans, on peut être génération Baudelaire, plutôt que génération NRJ12 !

Si, comme Camille, vous avez envie de me parler de vos cahiers, faites-moi signe, j’adore vous écouter !

 

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