Le joli cahier de… Caroline
Caroline et moi n’étions pas programmées pour nous rencontrer… mais c’était sans compter le heureux hasard qui a mis sur mon chemin cette architecte d’intérieur de 37 ans. Bavarde (c’est elle qui le dit), passionnée (cela se sent quand on parle avec elle), créative (un champ qu’elle explore par la couture et la cuisine notamment) et engagée (en politique dont elle a goûté les joies et les peines), sont les composantes d’une personnalité qui respire le dynamisme et inspire la sympathie. C’est donc lors d’une soirée parisienne, un verre de rosé à la main, que nous avons fait connaissance et entrepris une conversation animée au cours de laquelle il a fini par être question… d’écriture et de cahiers. Il n’en fallait pas plus pour éveiller mon intérêt, et c’est par téléphone que Caroline a accepté de poursuivre notre échange entamé quelques semaines plus tôt lors d’une belle et chaude soirée d’été !
« Pendant quelques temps, soucieuse de cloisonner vie pro/vie perso, et parce que je suis aussi un peu bordélique, j’ai imaginé que gérer deux cahiers en parallèle m’aiderait. Mais cela ne marche pas comme ça… en réalité, c’était le bazar ! Lorsque j’avais besoin d’écrire quelque chose, évidemment je n’avais jamais le bon cahier avec moi ! Aujourd’hui, j’ai donc un seul et unique cahier qui ne me quitte pas. Je suis d’ailleurs souvent obligée de prendre un grand sac rien que pour l’avoir avec moi, même si dans certaines circonstances je sais parfaitement que je n’en aurai pas du tout besoin. C’est pour moi un objet extrêmement personnel, et je n’aimerais absolument pas que l’on regarde ce que j’y écris, alors que je n’y raconte pas non plus des choses intimes. Le perdre ? Ce serait une catastrophe ! »
Le décor est planté, Caroline est bien « cahier addict » !
Elle poursuit par une anecdote que nous avions brièvement évoquée lors de notre premier échange « Avant d’avoir mon propre cabinet d’architecte, j’étais salariée. À l’occasion d’un changement de job, l’une des collègues que je quittais m’a demandé de lui laisser mon cahier afin de pouvoir profiter de mes notes : je n’ai pas du tout apprécié et j’ai bien sûr refusé. Je n’imagine pas une seconde laisser un objet aussi intime derrière moi. J’ai recopié les éléments susceptibles de la concerner, et j’ai embarqué le cahier. »
Alors Caroline, qu’écris-tu donc dans tes cahiers ?
« Dans le cadre de mon métier, je prends beaucoup de notes sur les chantiers, je fais aussi des métrés et des croquis. C’est bien plus pratique à consigner, et surtout à retrouver, dans un cahier que sur des feuilles volantes. On peut retrouver des références de carrelages, de peintures, et bien sûr des to-do-list. Et ce qui est drôle, c’est que comme je n’ai désormais qu’un seul cahier, ces trucs très professionnels voisinent avec une recette de cuisine à essayer, une liste d’invités pour un dîner, l’organisation d’un événement familial jusqu’au discours écrit pour le mariage d’une très bonne amie ! »

Et pourquoi tu fais cela sur papier ? Tu pourrais utiliser un pc portable pour ton boulot, ton smartphone pour la partie privée…
« Oui, mais non ! Pourtant je suis 2.0 pour des tas de choses. En plus de ce cahier, j’ai aussi un agenda papier : chaque année j’essaie de me mettre au digital sur ce point là… et en mars je craque et j’achète l’agenda le plus pourri de fin de rayon car ce n’est plus la saison ! Le fait d’écrire et de voir les choses écrites me permet de les mémoriser : je crois que j’ai une mémoire visuelle. Toute petite ma mère me disait déjà – si tu n’arrives pas à retenir, écrit, écrit, écrit… – Cela me fait non seulement gagner du temps mais cela me permet une vision plus globale. Ecrire est un réflexe chez moi, quelque chose de naturel. La prise de note dans mon smartphone est réservée à des sujets que je vais, par la suite, partager avec d’autres ou à des infos ultra pratiques comme le code wi-fi de l’endroit où je me trouve.»
Je pose une nouvelle question à Caroline, et sa réponse ne déroge pas à la règle (et je crois qu’il faudra que je me penche sur ce sujet un de ces jours…)
Tes cahiers, tu en fais quoi ? Tu les jettes ?
« Pas du tout, je ne peux pas : je les date et je les garde dans ma bibliothèque même si je n’ai aucun système d’archivage particulier et que je retourne très peu les voir une fois rangés. J’ai même, à quelques exceptions près, tous mes cahiers scolaires. J’ai également conservé toutes les lettres de mes copines et cousines échangées lorsque nous étions adolescentes : sans téléphone, ni email, nous nous écrivions beaucoup plus ! Ecrire est aujourd’hui vécu comme une contrainte. Je trouve qu’envoyer une simple carte postale permet d’adresser, au-delà des quelques lignes manuscrites, un vrai message à la personne, d’avoir pensé à elle à un moment et un endroit précis. C’est mieux qu’un sms, non ? »
Forte de son amour pour l’écrit et le papier, elle me fait part de la jolie attention qu’elle réserve à son premier neveu né il y a tout juste un an : « Tous les mois à la date de son “moisiversaire” je lui envoie une carte postale. Et ce n’est pas facile, il faut que je m’organise car il habite aux USA ! Bien sûr, il ne la lit pas, mais sa maman le fait et lui conserve toutes dans une boîte pour quand il sera grand. J’aime l’idée de cette trace dans le temps ».
Tes cahiers, tu les aimes comment ?
« Je suis très attachée à mon joli cahier qui est un cadeau : c’est un Hermès, rechargeable. Je prends des feuilles lignées car sinon je n’écris pas droit et c’est du A5 sinon rien ! J’aime bien aussi les Moleskine, ou de la fantaisie avec des motifs, plutôt graphiques : des pois, des rayures et sinon carrément épurés comme ceux de chez Muji. Il ne faut pas qu’ils soient trop beaux sinon je n’ose pas m’en servir. D’ailleurs, on connait mon goût pour les cahiers, on m’en offre et il m’arrive d’en offrir aussi.»
À ce moment, je pense que tous les entretiens menés jusqu’à ce jour pour les Jolis Cahiers m’ont déjà appris que les accros du cahier ont aussi des pratiques beaucoup plus personnelles de l’écriture. Même si elle n’avoue aucun penchant pour l’écriture comme levier de développement personnel, et n’a jamais tenu de « journal secret » étant plus jeune, je suis quasi sûre que je n’ai pas encore touché le versant le plus intime du sujet avec Caroline… alors que je la questionne pour savoir si elle n’a pas d’autres cahiers en cours que celui évoqué au début de notre échange, elle donne un ton différent à la conversation.
C’est comme une thérapie, pas besoin de voir de psy.
« Si, j’ai un autre cahier actuellement, un carnet plus exactement. Je l’ai démarré suite à une rupture sentimentale récente. J’ai écrit plein de trucs, ce qui me passe par la tête et ce que j’ai envie de dire à l’autre qui n‘est plus là : cela m’aide beaucoup, c’est libérateur. Quand les choses sont écrites sur le papier, tu ne reviens pas en arrière, comme on peut faire sur l’ordinateur. Cela pouvait me prendre à la maison, dans le métro… Les sentiments, les émotions, la colère, la tristesse, à l’instant T sont posés, évacués. Et je n’y reviens pas. J’ai aussi écrit des lettres, que j’ai envoyées, ou pas… Ce n’est pas la première fois, j’ai déjà fait ça lors d’un précédente rupture. C’est comme une thérapie, pas besoin de voir de psy. »
La parenthèse se referme.
J’amorce la fin de notre conversation par mes deux questions gimmick.
Là, tout de suite, dans quel cahier aimerais-tu te glisser ?
La femme engagée refait surface à cet instant « Je ne te donnerai pas un nom, mais plutôt un style de cahier : j’adorais lire le carnet de campagne d’un candidat à l’élection présidentielle par exemple. Ou celui de l’un de ses très proche collaborateur. J’ai envie de lire des choses authentiques, non travesties, sans filtres… » Alors que j’écris cet article, je m’en veux d’avoir oublié de lui demander si elle croit possible cet exercice de sincérité, elle qui a été très investie dans une campagne présidentielle avec des fonctions officielles il y a quelques années… cela fera un bon sujet pour un prochain échange !
Ta phrase fétiche, tu la partages avec nous ?
Le meilleur reste à venir.
« J’aime me répéter que le meilleur reste à venir. C’est une amie qui me l’a soufflé un jour. Sur le coup, je me suis dit bof. Finalement, les événements m’ont démontré que c’était plutôt juste. Moi qui suit une hyper optimiste, cette idée qu’en dépit des revers temporaires le mieux est au bout du chemin me convient. C’est aussi une bonne vieille méthode Coué » conclue-t-elle avec un sourire que je ne vois pas, mais qui s’entend dans sa voix.
C’est ça, la #feelgoodpapertheorie !