Le joli cahier de… Nathalie
Nathalie a 45 ans et l’on peut dire que cette lilloise d’origine a pas mal bourlingué : d’un pays à un autre, d’une ville à une autre, d’un métier à l’autre. Par amour, elle a désormais posé ses valises dans le Golfe de St-Tropez. Rapidement conquise par la beauté de son environnement (qui ne le serait pas : c’est un vrai paradis, hors saison bien sûr…) elle a fait de sa vie dans cette région une rubrique de son blog. Blog dans lequel elle dresse aussi des portraits, sous l’angle du « tout est possible ». Cette phrase, c’est son leitmotiv, mais aussi l’histoire de sa vie ! Nathalie a vécu de nombreuses et belles expériences professionnelles et personnelles pour lesquelles elle n’était pourtant pas du tout pré-destinée. Ce qui lui fait dire que tout est en effet possible à condition de saisir les opportunités et de le vouloir. Je l’ai « rencontrée » sur Facebook et nous nous sommes vite découvertes une passion commune : celle des carnets. Après plusieurs mois d’échanges virtuels, nous nous donnons rendez-vous à Paris pour mener cette discussion. Au premier regard, Nathalie arbore un air neutre, presque froid, ce masque qui signifie que la vie n’a pas été un long fleuve tranquille et qu’il va falloir l’apprivoiser. Son visage s’illumine tout à coup d’un sourire et l’on sait, alors, que cette façade cache un coeur généreux et une personnalité attachante. Volontiers contemplative des choses de la nature à l’occasion de marches solitaires ou de voyages, elle avoue aussi avoir le culte du beau et des choses bien alignées ! Lire et toucher les livres la rend très heureuse et depuis quelques temps elle s’adonne à l’écriture.
“Les cahiers ont toujours accompagné ma vie professionnelle. J’ai souvent eu des jobs pour lesquels j’avais besoin de noter beaucoup d’informations, au démarrage surtout. Ce qui est curieux, c’est qu’une fois que tu as écrit toutes ces choses, finalement tu te rends compte qu’elles ne servent plus à rien ! Je ne fais rien d’autre de particulier avec mes cahiers dans l’environnement pro. Les cahiers, c’est vraiment pour moi la sphère personnelle. Cela remonte à très loin. Quand j’étais vraiment petite, je ne savais même pas encore écrire, on m’a raconté que je prenais les carnets de ma grand-mère. Ils avaient une couverture rigide, un peu comme les Moleskine, et je passais beaucoup de temps à « écrire » dedans. En réalité, cela consistait en des gribouillages mais pour moi ils représentaient déjà le plaisir de noircir des pages. J’aimais déjà faire courir le crayon sur le papier. À l’adolescence, j’ai tenu un journal intime. Que ma mère a lu, fin de l’histoire ! Évidemment, comme son nom l’indique j’y parlais de choses intimes ; j’ai été très choquée par cet épisode et je n’ai plus écrit pendant des années. J’avais trop peur que quelqu’un le trouve à nouveau. Cela m’a poursuivi longtemps car même après, avec mes petits amis, je m’imaginais sans cesse qu’ils pourraient lire ce que j’écrirais et donc j’étais bloquée.
J’avais démarré ce journal, car j’avais besoin de me libérer de certaines choses. Mais cela, je l’analyse aujourd’hui : à l’époque, j’écrivais juste des pages et des pages, je ne cherchais pas à comprendre pourquoi je le faisais. J’y déversais surtout ce qui n’allait pas dans ma vie. Si je n’ai pas écrit pendant une longue période, je n’ai en revanche jamais cessé d’aimer les carnets et les cahiers ! J’en ai toujours cherché partout… J’ai remarqué qu’en France, on en trouvait quand même pas beaucoup. C’est surtout en vivant aux Etats-Unis que j’ai assouvi cette passion ! Ma soeur réside actuellement en Floride et il y a une boutique près de chez elle qui a un rayon papeterie qui me rend dingue ! Des linéaires entiers, je peux y perdre la notion du temps. C’est pour moi comme les livres, je pourrai en acheter tous les jours ! Même quand je n’écris pas, j’ai besoin de prendre mes carnets en main, de les toucher.”
Quand t’es-tu remise à écrire ?
“Je crois qu’il y avait en moi un fond de vieilles histoires. Mais ce n’était pas si évident de s’y mettre. Aux Etats-Unis, tu as envie d’écrire, tu écris. Tu ne te poses pas dix milles questions, tu ne te compares pas, tu ne cherches pas à savoir si ce que tu vas écrire est bien ou pas. Tu le fais, c’est tout. Dans notre culture française, nous nous mettons souvent plein de barrière à faire les choses. Un jour, une amie américaine m’a demandée quel était mon rêve. Je lui ai répondu écrire un livre. Mais avec la certitude des choses que l’on dit en l’air et qui n’ont aucune chance d’arriver. Elle m’avait répondu tout simplement : mais pourquoi tu ne le fais pas ? J’avais placé l’écriture à un niveau tellement haut que finalement cela me paralysait. Je ne m’autorisais pas. Je me jugeais avant même d’avoir fait !
C’est grâce à mon blog que j’ai renoué avec l’écriture. J’ai fini par me dire qu’il y a tant de gens qui écrivent, et pour certains mal, qu’il n’y avait pas de raisons pour que je ne m’y mette pas. Je me suis donc lancée, non pas en me forçant, car je ne me contraint jamais à écrire Cela vient tout seul, à certains moments de la journée, alors je laisse couler. Quand je me relie, je me dis que ce n’est pas si mal que cela ! Finalement, tout cela ce n’est ni plus ni moins que m’autoriser à être moi. J’ai lu il y a deux ans un livre qui a un peu changé ma propre vision de moi-même. Il s’appelle « Je pense trop ». Je l’avais déjà croisé une première fois, mais à la lecture de la quatrième de couverture, je m’étais dit qu’il n’était pas pour moi. Et puis, une amie m’en a reparlé et j’ai fini par l’acheter : chaque paragraphe, chaque ligne me correspondait, il a été un déclic. Ce bouquin m’a fait un bien fou. À partir de là, tout s’est mis en place : le blog, mes séquences d’écriture, le droit. Le droit d’être moi.
Pour me remettre à l’écrit, j’ai commencé par pratiquer des exercices du type décrire sa journée idéale : et là ça a été jouissif ! J’avais le sentiment que ma pensée transmettait directement à ma main ; que cela allait très, très vite. Alors, j’écris, j’écris, j’écris. Quand ce flow est terminé, je relis et je me dis wouah – non pas parce que je me félicite que cela soit bien écrit – mais parce c’est sorti de ma tête. Après cela, quand je publie et que cela plaît ou que cela permet de transmettre quelque chose ou d’avoir une discussion, c’est là que réside la beauté de l’écriture : au-delà des phrases, des mots, c’est quand elle sert à communiquer. La phrase de mon amie américaine résonne toujours en moi : écris et puis c’est tout, pas besoin d’être Balzac ou Maupassant !”
As-tu une routine d’écriture ?
“Curieusement tenir une routine est assez difficile pour moi, même si j’ai très envie d’écrire. J’ai toujours un carnet à portée de main, maintenant que je sais que plus personne ne va le lire ! C’est un bel objet, il est là, avec un stylo. Et je l’ouvre quand les idées me viennent. J’ai essayé de m’astreindre à une séance d’écriture chaque matin : mais il y a des jours où cela ne marche pas. Je ne sais pas pourquoi je n’y arrive pas, alors que beaucoup disent qu’il est important d’avoir cette régularité, de le faire au quotidien, de persévérer. Ce n’est pas parce que je ne sais pas quoi écrire, si je m’y mets les mots vont partir tout seul. Ce n’est pas ça le problème et c’est très frustrant. Peut-être est-ce une question d’environnement. J’ai besoin d’un endroit avec une musique que j’aime, avec une boisson chaude et que cela soit propre, rangé et beau ! L’inverse me stresse et je ne peux pas arriver à donner le meilleur de moi, à sortir ce qui est en moi. Je me relis peu, juste pour corriger une faute, je ne passe pas mon temps à réécrire, je ne suis pas écrivain ! Si j’écris pour ma page Facebook, soit je passe par mon carnet, parce que j’ai le temps et pour le simple plaisir du geste de l’écriture, soit je vais directement sur mon clavier si je suis plus pressée. Pour ce type de texte, le résultat sera le même. J’ai plutôt besoin de mon carnet pour des exercices d’affirmation, pour mes moments d’écriture libre. C’est cela qui est excitant : il y a une idée qui vient, cela peut-être pendant ma séance d’écriture du matin, ou au cours de la journée. Quelqu’un va me dire quelque chose, et là il faut que j’écrive sur le sujet, que je délie ce que j’ai dans la tête à ce propos.”
Comment évolue ta pratique de l’écriture ?
“Je sens que j’aborde une nouvelle étape avec cette envie que j’ai d’écrire, chaque semaine, un peu l’histoire de ma vie. Je sais que cela peut-être enrichissant pour les autres, de voir que pour quelqu’un, comme eux, tout est possible mais ça va me faire un bien fou à moi aussi ! Je vais aller plus dans le registre du sentiment et de l’émotion. Ecrire me fait me sentir pleinement moi. C’est -à-dire que quand « je me vois » écrire, j’ai l’impression que c’est ce pourquoi je suis faite, que c’est à ce moment que je m’incarne le plus, comme si cela faisait partie de mon ADN. C’est le droit que je me donne à 45 ans : celui que l’écriture fasse partie de ma vie, que personne ne m’interdise d’écrire, que personne ne me juge ! Je le fais avec beaucoup de plaisir, pour transmettre. Je sais que cette année, ça va être puissant. Que je vais donner, en racontant mon expérience de vie, en abordant des choses plus intimes que ce j’ai pu faire jusqu’à présent. Je sens qu’il est temps…”
Quels types de cahiers préfères-tu ?
“C’est curieux, je ne me suis jamais posée cette question, mais puisque tu me le demandes je me rends compte que j’achète toujours le petit cahier standard. Paradoxalement, je m’aperçois aussi que je ne me vois pas écrire prochainement tout ce qui concerne ma vie, dans le type de carnet que j’ai l’habitude d’acheter : je vois quelque chose de beaucoup plus grand, bien que que je n’ai pas du tout l’habitude d’utiliser ce genre de format ! Je regarde l’esthétique en premier et j’aime bien quand il y a un mantra ou une phrase inspirante sur la couverture. Ensuite, je regarde l’intérieur : je ne peux pas écrire s’il n’y pas de lignes. J’aime aussi quand le stylo glisse sur le papier. Je profite de mes passages aux Etats-Unis pour en acheter. Je peux aussi acheter sur internet si j’ai un coup de coeur, d’autant plus si le colis et l’emballage sont soignés, comme c’est souvent le cas pour le e-commerce.”
De qui aimerais-tu lire le cahier ?
“Sans hésiter, Victor Hugo : j’adore ce personnage, qui avait beaucoup d’empathie et qui écrivait sans cesse. Je pense qu’il aimait l’humain, qu’il voulait aider, j’aurai pu bien m’entendre avec lui ! Et puis, j’aimerai bien retourner dans mes carnets à moi, ce que j’écrivais lorsque j’étais jeune. Malheureusement, tout est la poubelle depuis bien longtemps…”
Pour finir, peux-tu partager ta phrase fétiche ?
Tout est possible
“Tu t’en douteras, il s’agit de « tout est possible ». C’est pour cela que j’ai donné ce nom aux portraits que je dresse dans mon blog. Dès le début de ma vie, enfin d’aussi loin que je me souvienne car je ne saurais pas dire à quel moment exactement j’ai eu cette prise de conscience, je me suis dit que la seule chose que je ne pourrais pas faire c’est d’aller sur la lune. Pour le reste tout est possible. À y réfléchir, peut-être cette certitude est apparue quand j’ai cessé de m’inquiéter de ce qui allait m’arriver dans la vie ! C’est grâce à cette croyance que j’ai pu voyager beaucoup, à l’autre bout du monde en Australie, Polynésie, mais aussi aux USA, aux Seychelles… que j’ai travaillé au Crazy Horse… en bref que j’ai réalisé des tas de choses pour lesquelles je n’étais pas programmée. Certains te diront que oui, tout es possible, par persévérance et travail acharné : je ne partage pas complètement, je dirai plutôt qu’avant tout c’est par détermination, de parfaitement savoir ce que l’on veut. S’il y a un conseil que je peux donner, c’est de ne pas trop écouter les autres ; ceux qui te disent tu n’y arriveras pas, que ce n’est pas pour toi, toutes ses phrases négatives que même les parents ou des amis peuvent te renvoyer. Si vous avez envie de faire, faites-le ! Quand on veut vraiment quelque chose, on y arrive, et quand ce n’est pas le cas, je me dis qu’alors ce n’était pas pour moi.”
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