Le joli cahier de… Siham
Je ne la connaissais pas encore que Siham, qui partage aujourd’hui avec vous sa passion de l’écriture, prenait part à des moments très personnels de ma vie : en voiture, dans mon bain, dans mon lit, lorsque je repasse ou je cuisine… Et pour cause : elle est la créatrice, la voix et l’hôte du podcast Génération XX. Je l’écoute depuis… j’ai vérifié dans mon téléphone, le 15 février 2017. Il n’y avait qu’un épisode, mais j’ai été emballée et j’attendais ensuite impatiemment chaque nouveau rendez-vous. Au fil de ses conversations avec des femmes, entrepreneures, j’ai d’abord trouvé inspiration et motivation pour avancer sur mon propre projet, puis c’est devenu un rituel, chaque semaine. Un jour, Siham a évoqué dans une story Instagram sa routine d’écriture et son amour des cahiers. Il ne m’en fallait pas plus : je l’ai contacté et nous nous sommes rencontrées à Paris (#bonneadresse au passage, c’était au Republique of Coffee). Nous avons parlé de cahiers bien sûr, mais aussi d’entrepreneuriat, de projets. À première vue, on peut la penser sur la réserve, mais hyperdynamique, Siham n’aime rien tant que débattre et révèle alors son caractère passionné. À 26 ans, et après deux heures de conversation, elle fait pour moi partie de ces jeunes personnes qui ne font pas mentir la tirade du Cid “Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». De toutes les femmes qui ont racontées ici leurs jolis cahiers, Siham est sans nul doute l’une des plus férues d’écriture. Alors que je commençais à la questionner pour dresser son portrait, et que je cherchais plus précisément à connaître ses loisirs et passions, elle a tout de suite abordé le sujet.
« Quand je ne travaille pas, j’écris des scénarios, même avant cela des idées, des pitchs, essentiellement pour une série de films. C’est un hobby mais que j’aimerai concrétiser. Mon but n’est pas d’écrire des scénarios qui vont rester sur mon ordinateur. Je souhaite en faire quelque chose. Evidemment, tout cela est venu parce que j’adore le cinéma, mais aussi les séries. Peut-être aussi parce qu’avant de vouloir travailler dans cet univers, je pensais être architecte. Je suis très attentive à l’image. Par exemple, j’allais beaucoup sur Tumblr et j’adorais scroller des mood boards, des pages pleines de photos de mode, d’architecture, de paysage, des illustrations… J’ai gardé ce goût pour l’esthétisme. Il peut même me faire apprécier un film dont le scénario est moyen mais si les images et les lumières sont tops, j’y suis très sensible.
C’est aussi pour cela que je ne filme pas les interviews pour mon podcast : il faut que l’image soit belle, qu’elle apporte au sujet. Capter deux personnes en train de se parler, cela ne sert à rien. J’aime aussi beaucoup les voyages, toujours dans cet esprit de m’emplir les yeux de belles choses. Je crois, finalement, que j’ai une sorte de passion pour la contemplation du beau ! »
Portrait par Randolph Lungela
Et si l’on parlait cahiers : pour toi, ils sont pro, perso ?
« Les deux, et je te le dis tout de suite, avec des lignes. Je ne peux pas écrire sur des pages vierges ! J’aime beaucoup rédiger de la fiction comme je te l’ai dit mais j’écris aussi pour mon bien-être personnel et cela fait assez longtemps. Dans ce cas-là, je suis dans le flow, c’est-dire que mes pensées vont à cent à l’heure et j’écris donc très vite pour suivre le rythme, je me laisse aller au geste. Je ne relis pas ce que j’écris, je n’aime pas. Non, parce que c’est mal écrit, mais parce que je n’ai pas envie. Ces moments intenses d’écritures, qui ne sont pas forcément réguliers, arrivent surtout quand j’ai le cerveau embrumé. Je n’écris pas dans mon cahier perso quand tout va bien. Ce n’est pas non plus quand tout va mal ! C’est surtout quand j’ai un trop plein de pensées, que je suis préoccupée, que j’ai besoin de démêler des idées, quand j’ai trop de choses en tête : cela me fait beaucoup de bien de les poser par écrit. C’est dans ses moments là que j’ai besoin de mon cahier. Je peux aussi bien évoquer des choses en lien avec ma vie professionnelle que personnelle. Après coup, je m’aperçois souvent que les deux vont de pair : ce qui touche mon activité et ce sur quoi j’ai besoin d’écrire est quasi toujours lié à une question personnelle. Je ne vais pas écrire dans ce cahier une stratégie pour ma boîte par exemple. Il s’agit plus de réflexions sur l’ambition que j’ai, ce que j’ai envie de faire ou pas, ce qui me tracasse quand j’ai du mal à m’organiser par exemple… C’est très libérateur et, généralement, cela met mes pensées au clair. Même le geste de l’écriture me fait du bien. Quand j’étais petite, j’ai pris des cours de calligraphie. J’aime bien faire de belles lettres, on m’a d’ailleurs souvent dit que j’ai une belle écriture. Au collège et au lycée, j’étais attentive à rendre de belles copies.
Dans mon cahier perso, outre mes pensées, j’écris aussi de la fiction, mais dans une approche différente de celle de mes projets de séries pour lesquels je construis les personnages, les histoires. Parfois, je vais écrire juste quelques pages, qui n’ont rien à voir et que j’ai pas envie de développer. Cela me détend d’être dans un style plus littéraire, de faire de belles phrases, de m’amuser avec les mots, comme pour un roman. C’est fou, car je ne peux pas m’empêcher de le faire, c’est comme un élan d’inspiration. C’est évidemment sur mon cahier que je le fais, je n’imagine même pas le faire sur l’ordinateur.
Ecrire dans ce contexte me fait penser à autre chose. Ce n’est pas comme quand j’écris un scénario : ça, c’est ma vie professionnelle. Je m’impose un cadre, j’ai des contraintes, il y a des enjeux. Bien sûr, c’est de l’écriture, mais en vue de… Alors que, lorsque j’écris juste pour mettre des jolis mots les uns à la suite des autres, c’est pour le plaisir tout simplement. Pour moi, parce que j’ai envie.
Malgré tout ça, je ne suis pas dans une routine d’écriture quotidienne : on parle beaucoup des trois pages du matin. Sauf que moi, il y a des matins où il n’y a rien qui vient. Je n’ai pas envie de me l’imposer ces jours-là. En revanche, quand j’écris, c’est le matin, je ne m’imagine pas le faire le soir. C’est pour bien démarrer la journée.
Ecrire, ce n’est pas facile. Beaucoup de personnes me disent ah oui moi aussi j’ai une idée de scénarios, moi aussi je veux faire un film. Je leur réponds, vas-y écris cinq pages dans lesquelles tu décris tous les personnages, le pitch, écris aussi dix pages de dialogues… Et là tout de suite ça calme ! Poser ces idées sur le papier, force à réfléchir plus, à aller plus loin dans sa pensée.»
Ce goût de l’écriture remonte à loin ?
« Plus jeune, je n’ai pas eu de journal intime, mais je voulais trop écrire un livre ! Ensuite, j’ai lu beaucoup, j’avais moins le temps d’écrire, encore moins quand j’ai fais mes années de prépa. C’est quand j’ai été en première année d’école de commerçe et que je me suis retrouvée en Australie. J’ai démarré une sorte de carnet de voyages. Et puis, j’ai commencé à y écrire mes pensées. C’est là que j’ai pris le pli, je crois. Pour le coup, celui-ci je le relis. J’y parle de l’Australie, je raconte des souvenirs, ce n’est plus que de l’intime, c’est aussi des descriptions. Et donc, quand je me replonge dedans, c’est dingue, j’ai l’impression de revivre les choses.
Ce cahier est d’ailleurs super beau, il est en cuir. J’ai refait la même chose lorsque je suis partie au Brésil. Bien sûr, je garde tous mes cahiers. Ils sont dans un placard, chez moi, un peu aussi chez mes parents. »
Et dans ta vie professionnelle, quelle place ont les cahiers ?
« J’ai toujours un cahier avec moi. J’y fais mes to do lists. J’essaie de les faire sur l’ordi mais je n‘y arrive pas. J’y écris des choses très opérationnelles, c’est comme un pense-bête, pour ne pas oublier. Le cahier m’aide aussi à réfléchir. Par exemple, à propos de Génération XX, je suis souvent amenée à décrire ce que c’est en un phrase ou dans un temps très court. Je travaille ça dans mon cahier ; je peux facilement écrire une formulation intéressante qui me vient. J’y note beaucoup mes idées : par ce geste, des choses très abstraites deviennent concrètes, presque physiques. Je déteste faire ça sur mon téléphone, même mon agenda est en papier. Je ne mélange jamais, jamais, le perso et le pro. Donc, pendant un temps, je me baladais avec les deux cahiers dans mon sac !
Dans mon cahier pro, j’ai aussi toutes les questions pour mes interviews. C’est curieux, car je les prépare sur l’ordinateur, mais je les réécris dans mon cahier. C’est assez brouillon, pas de code couleurs, et j’admire les filles qui ont de magnifiques bullet journal. Je trouve cela très beau mais je ne pourrai jamais faire ça ! »
Dans quel cahier aimerais-tu te glisser ?
« C’est très dur de répondre… Alors que tu viens de me poser cette question, plein de noms défilent. Mais finalement, je me demande si j’ai vraiment envie de savoir ce qu’il y a dans leurs cahiers et donc dans leur tête. Non, je ne suis pas sûre du tout ! À bien y réfléchir quand même, j’aimerais lire les cahiers de mes grands-parents lorsqu’ils étaient jeunes, pour en savoir plus sur leur vie : ils nous ont tous quitté et j’aurais aimé connaître notamment leur enfance, leurs ressentis à l’époque…”
Quelle est la phrase qui t’inspire ?
Au milieu de l’hiver, j’apprenais enfin qu’il y avait en moi un été invincible
« Cette phrase de Camus est tirée de son roman Noces. Elle résonne en moi pour deux raisons : tout d’abord au sens premier et propre : je déteste l’hiver ! En second lieu, elle signifie aussi que même lorsqu’un on a des moments durs, compliqués, quand on est down, tant que l’on a une petite flamme en nous, donc un soleil, c’est comme un été qui nous donne envie de rester vivant. Quand j’étais en prépa, j’ai eu de super bons professeurs en culture générale. Nous avons, durant toute la deuxième année, travaillé sur le thème de la vie, y compris sous un angle philosophique. Je me souviens que nous avions parlé du combat quotidien à mener pour rester vivant, qui passe aussi par regarder à droite et à gauche avant de traverser ! Avoir en soi cet été, donc ce soleil, cette flamme évoqués par Camus, donne envie de continuer, même dans les moments difficiles. Je trouve cela très beau. Et j’essaie en permanence de me le rappeler, d’être positive, de relativiser. Cette phrase dit cela très joliment. Le mot invincible accolé au mot été lui donne d’autant plus de force. »
Merci Siham d’avoir partagé pour les Jolis Cahiers ton goût de l’écriture. Si vous avez envie de savoir de quoi il est est question dans Génération XX, c’est par ici que cela se passe. Et j’espère que cette nouvelle interview vous aura donné envie d’attraper un stylo et un cahier pour vivre la feel good paper théorie !
Si, comme Siham, vous avez envie de me parler de vos cahiers, envoyez-moi un message, j’adore vous écouter !