le joli cahier de… Virginie
Sur la même longueur d’onde. Oui, Virginie et moi sommes sur la même longueur d’onde. Je la connais depuis quelques années, nous nous sommes connues au détour de nos vies professionnelles. Nous ne nous voyons pas souvent, elle est à Paris, moi à Nantes, et quasiment uniquement lors de réunions de travail. Mais nous partageons une certaine vision de notre métier et des relations humaines et surtout une passion commune, celle des cahiers. Je lui ai donc naturellement demandé de se prêter à l’exercice qui consiste à vous parler de ses jolis cahiers. C’est un soir, par téléphone, que cette quadra, femme active à temps plein et maman de quatre enfants, me parle de sa #feelgoodpapertheorie.
Les cahiers sont de véritables objets de mémoire.
« Le cahier est un outil professionnel indispensable ». Virginie me précise d’emblée, que cet attachement au papier lui vaut parfois quelques regards interrogateurs alors qu’elle travaille dans un univers où la norme est plutôt le 4.0 ! Mais elle assume et poursuit. « En revanche, dans ma vie perso le cahier ne pénètre pas mon quotidien. Pour m’organiser, j’utilise sans problème des applis ou mon téléphone pour mes to-do-list. » À la maison, elle réserve donc le cahier à un usage bien particulier : écrire le récit de ses voyages. Pour chaque destination, un nouveau cahier. Je l’interroge :
Tu commences à écrire quand, dès que tu commences à préparer le voyage ?
« Non. Les premières lignes s’écrivent le jour du départ. Cela peut être à l’aéroport, dans l’avion…. j’y consigne tout au long du séjour ce que nous faisons, mes impressions, ce que j’aime et ce que je n’aime pas. Il m’arrive aussi d’y coucher des petites irritations à propos des gens avec lesquels je voyage : cela m’évite de devenir désagréable pour de vrai puisqu’ainsi c’est évacué ! Je l’illustre par des collages de tickets, cartes postales ou autres souvenirs glanés ici et là. C’est un vrai journal, au jour le jour. En revanche pas de photos car je ne les ai pas en instantané bien sûr et que je ne retouche pas au cahier au retour. Il devient un objet précieux que je range avec plein d’autres souvenirs. Après, plus tard, je retourne les consulter. C’est génial, car ce qui est écrit est indélébile. Quand on écrit dans un cahier on peut rayer mais pas supprimer : ce qui est écrit est écrit. Cela fait de ces cahiers de véritables objets de mémoire. Quand je me replonge dedans, je me rappelle des choses que j’avais complètement oubliées : quel bonheur de les faire renaître ! ».
Elle me cite l’exemple du dernier voyage faisant l’objet d’un cahier : son séjour en famille à New-York à l’automne dernier. « Mon fils de 12 ans pour qui ce voyage comptait beaucoup avait très envie de faire ce carnet, mais il n’a pas réussi à s’y mettre au fil des jours. C’est donc moi qui ait consigné tout ce qui a constitué la richesse de cette semaine. Ce qui est chouette c’est qu’il a réussi à se l’approprier et en a tiré son propre carnet qu’il a remis à son prof d’anglais. »
Moi, qui vais partir à la découverte de la Big Apple en duo avec l’un de mes fils du même âge à l’automne prochain, cela me donne des idées… J’enchaine sur le cahier en tant qu’objet.
Tu prends un soin particulier à choisir ces cahiers de voyages ?
(Comme pour toutes les “paperaddict”, j’ai vite compris que Virginie n’envisageait pas d’écrire dans un cahier d’écolier.)
« Oh oui… j’y passe du temps : j’écume le rayon papeterie du Cultura le plus proche de chez moi. Je m’approvisionne aussi dans ma librairie de quartier. Je les choisis lignés, j’ai besoin de cette ligne pour me guider et puis je trouve cela plus esthétique que les petits carreaux. Je prends des cahiers petits formats avec une couverture joliment décorée, mais qui n’a pas forcément un rapport direct avec la destination du voyage. Par exemple, j’aime bien quand il y a une Tour Eiffel. » Elle ajoute qu’elle offre aussi des cahiers pour inciter les autres à s’en emparer comme elle le fait. « J’ai donné un cahier à ma nièce avant son départ pour le Japon où elle partait vivre afin qu’elle y consigne ses souvenirs. »
En écrivant, je me sens forte.
La suite de notre conversation s’oriente vers l’univers professionnel de Virginie. Là, son cahier la suit partout : de son bureau, aux salles de réunions, vers la maison et aussi en déplacements, c’est “jamais sans son cahier”.
« Perdre mon cahier pro serait comme perdre mes clés de voiture ou celles de ma maison. »
Je comprends, en l’écoutant, que cette place dans son quotidien les rend aussi précieux, bien que dans un autre registre, que ses cahiers de voyages. Elle revient d’abord sur la forme, « Mes cahiers fantaisies me permettent d’affirmer ma différence dans l’univers très masculin dans lequel j’évolue ». À cet instant, je partage avec elle la facétie qui m’animait quand je me rendais aux réunions du Comité de Direction avec un cahier Hello Kitty. « Pareil » me répond-elle. Là, nous nous comprenons parfaitement : le cahier serait-il un levier du « girl power » permettant d’affirmer sa personnalité et, l’air de rien, de transgresser quelques codes…
Qu’écris-tu dans ces cahiers ?
“Tout ! Je prends beaucoup de notes, j’y fais des to-do-list, j’y écris mes projets. Au-delà de ce que j’y inscris c’est ce que cela me permet de réaliser qui compte aussi. Ecrire me permet de structurer ma pensée, mes idées. Je trouve ainsi que la prise de note est plus riche que sur un clavier. Comme je te le disais tout à l’heure, quand on écrit à la main on ne peut pas effacer facilement. Donc, je suis très attentive à ce que je consigne : il faut que cela soit compréhensible tout de suite, pour quand j’y reviendrai, je fais donc un effort particulier. Ecrire, c’est aussi agir, puisque je me rends compte qu’au fil des mots je commence à penser à la mise en œuvre. J’ajoute qu’écrire me rassure. En retranscrivant ce que j’entends je m’assure d’avoir bien compris ; quand je note ce que j’ai à faire, je m’évite d’oublier certaines choses. Finalement, en écrivant je me sens forte : cela me donne une confiance en moi que je n’ai pas naturellement.”
Tu prends soin de ton cahier de bureau ?
“Oui. je trouve que c’est beau d’écrire, donc je fais attention à avoir une écriture soignée. Et comme je suis plutôt du genre perfectionniste mon cahier est globalement bien tenu ! ” (À cet instant, je réalise que je n’oserais jamais montrer mon cahier pro à Virginie : chez moi, c’est plutôt le mot brouillon qui collerait à l’affaire.)
Notre échange prend à nouveau un tour plus personnel quand je lui demande si elle a toujours écrit et si quelqu’un l’a influencée dans cette pratique.
J’adorerais écrire un livre
« Je n’ai jamais eu de journal intime car j’avais beaucoup de frères et soeurs et donc toujours quelqu’un à qui parler. Ce qui m’allait bien car j’étais déjà très bavarde et je n’avais pas de mal à me confier » souligne-t-elle avec malice. « Je n’ai pas été influencée directement, mais mon papa était un homme de lettres. Il utilisait un stylo plume, il avait une très belle écriture…je pense qu’il y a eu une transmission douce ! Il semblerait d’ailleurs que j’aie moi-même assuré le passage à la génération suivante puisque l’une de mes filles écrit beaucoup. » J’avoue de mon côté que je n’ai pas cette chance avec mes geeks de fils… « J’adorerais écrire un livre » me confie-t-elle. « Mais je m’en sens complètement incapable. J’admire les auteurs, en particulier ceux de la littérature enfant qui arrivent à nous transporter dans des univers incroyables. »
La fin de notre conversation approche, je l’interroge une dernière fois :
Là, tout de suite, si d’un coup de baguette magique je t’offrais la possibilité de te glisser dans le cahier de quelqu’un d’autre, qui choisirais-tu ?
À ce moment précis, j’ai vraiment admiré et adoré la franchise de Virginie puisqu’elle m’a répondu « le journal intime de ma fille, mais je sais qu’avoir cette pensée est mal : bien sûr, je ne le ferai jamais. » Et j’ai aimé aussi sa deuxième réponse : “Je pense que me glisser dans le cahier de l’épouse d’un homme politique célèbre me plairait : Michelle Obama par exemple. Pour voir l’envers du décor, comprendre comment elle a vécu cette vie publique imposée par le choix de son mari, ce qu’elle en laisserait comme trace. Et puis comme je suis assez people aussi, ça me plairait aussi pour ça ! “
Nous nous quittons avec sa phrase fétiche :
Le bonheur, c’est de continuer à désirer ce que l’on possède.
Si comme Virginie vous voulez vivre la #feelgoodpapertheorie, alors tous à vos cahiers !